Chapitre 1.1
Comment se réveiller nu dans un chantier de Marseille
un beau matin de printemps (1/3)
Aline
ELIAL goûtait un instant de bonheur printanier en prenant comme
tous les matins son petit déjeuner à l’ombre de
son olivier centenaire. Elle regarda son horloge solaire, ornée
d’un « Vulnerant omnes, ultima necat »
du plus bel effet: il était huit heures du matin. Elle était
en avance; son travail à l’agence de presse ne
commencerait pas avant neuf heures trente...
Elle
s’étira de tout son long. Un mètre quatre-vingt
de beauté, des yeux verts en amande et une poitrine
généreuse... De quoi émoustiller plus d’un
homme, surtout avec cette magnifique robe de chambre légèrement
transparente.
A ce
moment là, elle se rendit compte qu’elle vivait un petit
moment de bonheur, les pieds dans l’herbe, le mélodieux
chant des oiseaux dans ses oreilles.
Comme
dans tout moment de bonheur qui se respecte, un coup de téléphone
vint troubler cette quiétude. Le combiné sembla cracher
toute sa puissance : « Aline ? »
Elle
venait de se réveiller et cette brusque montée de
volume ne fit que réveiller sa gueule de bois, glorieux
souvenir de la soirée de la veille. C’était son
américain de directeur, et son foutu accent n’arrangeait
rien à l’affaire.
« Oui ?
- Vous
avez exactement trente minutes pour te présenter au journal,
j’ai une investigation très urgente à vous faire
faire.
- Où
faut-il que j'aille? Vous avez de nouvelles informations sur le Gang
des poupées? »
Le
métier de journaliste reprenait vite le dessus, même
quand il était huit heures du matin et que la nuit avait été
trop courte.
« Tu
pars dans trente secondes de chez vous pour rejoindre le bureau, je
te raconterai le reste plus tard, de toute façon ça n’a
rien à voir avec votre boulot. »
Il
raccrocha. Son directeur était toujours très doux quand
une affaire "importante" était mise sur le tapis, et
il prenait souvent la désagréable habitude de mêler
vouvoiement et tutoiement. Il parait que cela venait de ses origines
américaines et qu’il n’avait jamais su se faire au
vouvoiement français. Aline s’en était rendu
compte une nouvelle fois. Il ne lui restait plus maintenant qu’à
enfiler les premiers habits qu’elle trouverait, faire un tour
aux toilettes et sauter dans sa voiture…
Le
journal pour lequel elle travaillait, CalistéoSoir, était
à un bon quart d’heure de route. Aline en profita donc
pour écouter les dernières nouvelles.
« CalistéoRadio,
il est huit heures trente. Tout de suite le journal... Bonne matinée
à tous voici les titres : une gigantesque coupure de
courant a eu lieu hier soir dans toute l’agglomération
Marseillaise, provoquant des perturbations au niveau des gares et de
l’aéroport; le courant n’a été
rétabli que tôt ce matin. L’OM vient de remporter
son premier match contre l’AS Saint Etienne depuis 2 ans sur le
score de 2 à 0 hier, au stade Vélodrome. En Palestine…
» Elle coupa la radio: le reste, elle connaissait. Elle mit le
dernier CD de son groupe de musique préféré et
commença à chanter tandis que sa voiture s’engluait
doucement dans la masse informe des embouteillages.
Le
bâtiment dans lequel elle travaillait ressemblait à
tout, sauf au siège du plus grand journal marseillais. Il se
situait dans les docks, maintenant réhabilités. Il y
avait quelques années encore, on y parlait marchandise et
stockage mais depuis peu, quelques grandes entreprises avaient
remplacé ces conversations par la politique et l'économie.
Le logo
de CalistéoSoir, en rouge et bleu, s’étalait sur
une petite partie du bâtiment dans lequel elle entra. Personne
n’étant encore arrivé, hormis le directeur, elle
n’eut personne à saluer et elle prit directement
l’ascenseur pour monter au 4ème, étage
du plus grand lève tôt du journal.
La porte
qu’elle poussa pour rentrer dans le bureau du directeur avait
été importée d’un temple hindou en Inde
pour une somme… indécente. Suffisament pour se payer
une retraite plus que confortable, ce qui, à quatre vingt ans,
semblait inconcevable pour son chef.
« Bonjour
Monsieur Rospat. »
Régis
ROSPAT était un homme petit, plus que bedonnant, et un fumeur
de cigare invétéré. Il était de plus,
fait non négligeable, le PDG de la plus grande société
de média de France, qui comprenait entre autre CalistéoSoir,
CalistéoRadio, E-Calistéo, etc.
« Aline,
assieds-toi. L’heure est enfin arrivée. » Le
directeur regarda Aline fixement dans les yeux. « Il est
là. »
Les yeux
d’Aline s’ouvrirent en grand. Ces paroles finirent de
chasser les brumes d’une arrivée au bureau trop
matinale. Enfin, il était là ! Elle allait enfin
devenir une Gardienne ! Adieu vie de journaliste, elle allait
enfin pouvoir faire ce pour quoi elle était destinée
dans ce monde : servir la Caste! Son heure était venue,
elle ne pouvait plus reculer à présent! Ses traits
s’éclaircirent et elle continua d’écouter
ce que la Voix de l’Envoyé avait à lui dire.
« Je
viens de recevoir un message de Monsieur PANZANO. Il m’a appris
que le colis a été livré hier soir (au lieu de
ce soir) aux futurs jardins de la Joliette. Je veux que vous filiez
là-bas avant que les gars du chantier ne reviennent et que tu
l’emmènes chez toi.
- Ces
jardins sont encore loin d’être finis et je ne sais pas
si…
-
Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse? Vous n’êtes
pas en talon aiguille que je sache ? Tu y vas tout de suite et
vous me le ramenez. Je veux un rapport détaillé dans
vingt-quatre heures sur mon bureau. Exécution. »
Bien que
cette nouvelle la mettait de fort bonne humeur, le fait de mêler
vouvoiements et tutoiements avait le don d’horripiler Aline.
La prochaine fois, il faudrait que l’Envoyé choisisse
mieux ses Voix pour lui confier une mission. Surtout lorsque
lorsqu'il s'agissait de la mission de sa vie...
SitK
vendredi 2 mars 2007 à 12:23
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Catégorie : L'ange éphémère
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